Portrait de la Fracture (20/54) : Le Rwanda - Entre l'Harmonie d'Imana et les Racines du Génocide
Une analyse des racines spirituelles du génocide rwandais. Cet article explore comment le mythe de la création des Hutus et Tutsis a créé une fracture, en contraste avec l'idéal d'unité en Imana et la solution de l'Évangile. Un regard profond sur l'histoire, la théologie et la quête de réconciliation au Rwanda.
ANIMISMEPORTRAITS DE LA FRACTURE
Vérité Le Noir
8/19/20255 min read


Introduction : L'Héritage sous l'Arbre à Palabres
Aujourd'hui, notre voyage nous mène au cœur des Mille Collines, en terre rwandaise. C'est une terre d'une beauté à couper le souffle, mais aussi le théâtre de l'une des tragédies les plus sombres du XXe siècle : le génocide de 1994. Comment une nation si pieuse, un peuple qui partageait la même langue, la même culture et la même foi en un Dieu unique, a-t-il pu sombrer dans une telle folie meurtrière ? Asseyons-nous sous l'arbre à palabres, non pas pour juger, mais pour tenter de comprendre les racines spirituelles profondes de cette fracture. Notre quête est de savoir si la sagesse ancestrale rwandaise portait en elle les germes de cette division tragique.
1. Le Trésor : La Sagesse de l'Unité sous le Regard d'Imana
La vision du monde traditionnelle rwandaise, bien avant l'arrivée du christianisme, était remarquablement monothéiste. Le trésor de cette spiritualité est la foi en un Dieu créateur unique, bienveillant et distant, nommé Imana. Imana est le créateur de tout, la source de toute vie et de toute fécondité. Il n'est pas capricieux ; il est la source de l'harmonie.
Dans cette vision, tous les Rwandais – qu'ils soient Hutu, Tutsi ou Twa – se considéraient comme des "enfants d'Imana", vivant sous le même regard divin. La royauté sacrée, le Mwami, était considérée comme le représentant d'Imana sur terre, le garant de l'ordre et de la prospérité pour tout le royaume. Les mythes de la création rwandais, qui racontent comment Imana a façonné l'homme à partir de l'argile, insistent sur cette origine commune. C'est une vision du monde qui, en théorie, aurait dû être un puissant rempart contre la division.
(Source 1 : L'ouvrage classique de l'abbé Alexis Kagame, La Philosophie bantu-rwandaise de l'Être, est une exploration profonde de cette cosmogonie, montrant la centralité d'Imana et la vision unitaire de la création.)
2. La Fracture : Le Mythe de la Hiérarchie et la Malédiction de la Race
Cependant, au sein même de cette vision unitaire, une autre histoire, un autre mythe, a semé les graines empoisonnées de la division. C'est un mythe sur les origines des trois groupes rwandais : Gatutsi, Gahutu et Gatwa.
Le mythe raconte qu'Imana a donné à ses trois fils une tâche : veiller toute la nuit sur un pot de lait.
Gatwa, le premier, s'est endormi rapidement et a renversé son pot. Imana l'a condamné à la servitude et à une vie de marginal.
Gahutu, le second, a veillé plus longtemps, mais a fini par s'endormir, renversant une partie de son lait. Imana lui a donné la houe et l'a condamné à travailler la terre pour servir son frère.
Gatutsi, le troisième, a veillé toute la nuit et a présenté son pot de lait intact au matin. Imana lui a donné le pouvoir et le bétail, faisant de lui le chef et le propriétaire.
(Source 2 : L'historien Jean-Pierre Chrétien, dans Le défi de l'ethnisme : Rwanda et Burundi, 1990-1996, analyse comment ce mythe, bien qu'ancien, a été réinterprété et instrumentalisé pour justifier une hiérarchie sociale.)
Et c'est ici que se trouve la fracture tragique. Ce mythe introduit une hiérarchie divine et immuable au sein d'un peuple qui se croyait uni. Il transforme des rôles sociaux (éleveur, agriculteur, chasseur-cueilleur) en destinées ontologiques. Être Tutsi, Hutu ou Twa n'est plus une simple identité sociale ; c'est le résultat d'un jugement originel de Dieu.
Cette fracture a été cyniquement exploitée et racialisée par les colonisateurs belges, qui, avec leur théorie hamitique, ont affirmé que les Tutsis étaient une "race supérieure" d'origine nilotique, destinée à gouverner les "Bantous inférieurs" (Hutus). Ils ont systématisé cette division en inscrivant l'ethnie sur les cartes d'identité, transformant une hiérarchie sociale fluide en une cage raciale rigide.
(Source 3 : We Wish to Inform You That Tomorrow We Will Be Killed with Our Families de Philip Gourevitch est un récit poignant du génocide qui explique en détail comment l'idéologie coloniale a exacerbé et instrumentalisé ces divisions préexistantes.)
3. La Conséquence : Les Cicatrices dans le Présent
La conséquence de cette fracture spirituelle, amplifiée par l'idéologie coloniale, est la cicatrice la plus horrible du XXe siècle : le génocide de 1994, où près d'un million de personnes, principalement des Tutsis, ont été massacrées.
Le génocide n'a pas été un simple conflit tribal. C'était le résultat logique d'une idéologie qui avait déshumanisé une partie de la population. Les "Interahamwe" ne tuaient pas des "frères" ; ils exterminaient des "cafards" (inyenzi), des descendants d'une lignée prétendument étrangère et maudite. La fracture spirituelle originelle, qui avait introduit la hiérarchie, a fourni le terreau sur lequel l'idéologie du génocide a pu prospérer.
4. La Solution Externe et le Questionnement Final
Et c'est ici que nous devons poser la question la plus douloureuse. Lorsque les Rwandais cherchent aujourd'hui le chemin de la réconciliation, lorsqu'ils affirment que "Ndi Umunyarwanda" ("Je suis Rwandais") est la seule identité qui compte, et que Hutu et Tutsi doivent se reconnaître comme des frères et sœurs égaux, d'où vient cet idéal ?
Il ne vient pas du mythe de Gatutsi et Gahutu, qui a gravé la hiérarchie dans leur âme.
Il est un emprunt, souvent inconscient, à la vision du monde judéo-chrétienne, qui est la seule à offrir une base solide pour une égalité radicale. C'est la Genèse, et non le mythe rwandais, qui affirme que toute l'humanité a une origine unique et a été créée à l'Image de Dieu. C'est l'Évangile qui enseigne le pardon radical, même envers ceux qui nous ont persécutés. Le travail des tribunaux Gacaca et des églises dans la reconstruction du tissu social rwandais est une tentative, imparfaite mais nécessaire, d'appliquer ces principes.
Cela nous laisse avec une question cruciale. Une question pour chaque Rwandais qui pleure ses morts et cherche à construire un avenir de paix :
Si votre mythe fondateur le plus profond a servi de justification à la hiérarchie et à la division, et si, pour fonder la réconciliation, vous devez vous appuyer sur l'idée biblique d'une origine commune et d'un pardon possible... ne serait-ce pas la preuve que la sagesse d'Imana a été trahie par les mythes des hommes, et que seule la Croix du Christ peut véritablement guérir la blessure de la haine ?
Quelle histoire choisissons-nous de raconter à nos enfants : celle qui nous divise par le lait, ou celle qui nous unit par le sang de l'Agneau ?
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