Portrait de la Fracture (2/54) : Le Ghana - Entre la Gloire Ashanti et l'Ombre du Tabouret d'Or
Le Ghana, cœur battant de l’Afrique de l’Ouest, abrite l’héritage majestueux de l’Empire Ashanti. Au XVIIe siècle, cette civilisation a bâti une puissance politique et spirituelle unique, portée par un symbole sacré : le Tabouret d’Or (Sika Dwa Kofi). Mais cette vision du monde, aussi inspirante soit-elle, peut-elle aujourd’hui servir de fondement à une nation égalitaire et juste ? Ou faut-il chercher ailleurs la véritable boussole morale ?
PORTRAITS DE LA FRACTUREANIMISME
Vérité Le Noir
8/18/20254 min read


Introduction : L'Héritage sous l'Arbre à Palabres
Aujourd'hui, notre voyage nous mène en terre ghanéenne, une terre qui fut le cœur de l'un des empires les plus puissants et les plus organisés de l'histoire de l'Afrique de l'Ouest : l'Empire Ashanti. Asseyons-nous sous l'arbre à palabres pour écouter la sagesse du peuple Akan, et plus particulièrement des Ashanti, non pas pour la juger avec arrogance, mais pour la comprendre avec honnêteté. Notre quête reste la même : cette vision du monde, qui a produit une civilisation si brillante, nous fournit-elle une boussole morale assez solide pour fonder une nation juste et unie aujourd'hui ?
1. Le Trésor : La Sagesse de la Communauté et le Trône Céleste
La civilisation Ashanti, qui a dominé la région du XVIIe au XIXe siècle, est un témoignage éclatant du génie politique et spirituel africain. Au cœur de leur vision du monde se trouve un concept d'une puissance unificatrice extraordinaire : le Sika Dwa Kofi, le Tabouret d'Or.
Selon la tradition, ce tabouret n'a pas été fabriqué par des mains humaines. Il est descendu du ciel, un vendredi (Kofi), pour se poser sur les genoux du premier roi, Osei Tutu. Il n'est pas un simple trône ; il est considéré comme l'incarnation de l'âme (sunsum) de toute la nation Ashanti. Il est le lien sacré entre les vivants, les morts (les ancêtres) et ceux qui ne sont pas encore nés. Le roi, l'Asantehene, n'est pas le propriétaire du tabouret, il en est le gardien. Sa légitimité et l'unité de tout le peuple reposent sur sa capacité à protéger ce symbole divin. C'est une vision du monde qui a forgé une cohésion sociale, une fierté et une identité collective d'une force remarquable.
(Source 1 : L'anthropologue Robert S. Rattray, dans son ouvrage classique Ashanti, a fourni l'une des descriptions les plus détaillées de la constitution politique et religieuse de l'empire, expliquant la centralité du culte des ancêtres et du Tabouret d'Or.)
2. La Fracture : Le Point de Rupture Moral
Cependant, cette vision du monde si puissante pour unifier les Akan portait en elle une fracture tragique. Sa force était aussi sa plus grande faiblesse morale : son ethnocentrisme radical.
La cohésion et la solidarité exceptionnelles du peuple Ashanti étaient réservées... aux Ashanti. Les peuples voisins – les Fanti, les Ga, les Dagomba, les Guan – n'étaient pas considérés comme faisant partie de cette communauté sacrée. Ils étaient des étrangers, et, en tant que tels, ils pouvaient être asservis, exploités ou sacrifiés sans que cela ne contredise la morale interne du système.
Cette fracture a eu des conséquences historiques dévastatrices. L'expansion de l'Empire Ashanti était intrinsèquement liée à la guerre et à la capture d'esclaves. Les prisonniers de guerre étaient la principale source de main-d'œuvre et, surtout, la principale "marchandise" pour le commerce avec les Européens sur la côte. En échange d'êtres humains, les Ashanti obtenaient des fusils, ce qui leur permettait de mener de nouvelles guerres et de capturer encore plus d'esclaves.
(Source 2 : L'historien Ivor Wilks, dans son œuvre monumentale Asante in the Nineteenth Century, a analysé en détail la structure politique et économique de l'empire, montrant comment la traite des esclaves était un rouage essentiel de sa puissance militaire et de sa richesse.)
De plus, les grandes cérémonies, comme les funérailles d'un roi (l'Adae Kese), impliquaient des sacrifices humains à grande échelle. Des esclaves, des captifs et même des sujets ashanti étaient mis à mort pour accompagner le roi défunt dans le monde des esprits. Comment un système peut-il célébrer l'âme d'une nation tout en anéantissant si brutalement la vie d'individus ?
(Source 3 : Des récits de voyageurs européens du XIXe siècle, comme celui de Thomas Bowdich (Mission from Cape Coast Castle to Ashantee), bien que devant être lus avec un œil critique, fournissent des témoignages directs de la prévalence de ces sacrifices humains à la cour de Kumasi.)
3. La Conséquence : Les Cicatrices dans le Présent
Cette fracture historique n'a pas disparu. Elle a laissé des cicatrices profondes dans le tissu social et politique du Ghana moderne.
Le Tribalisme Politique : La politique ghanéenne reste souvent marquée par de fortes loyautés ethniques et régionales. Les tensions entre les Akan (majoritaires) et les peuples du Nord ou d'autres régions sont un héritage direct de cette histoire de domination et de méfiance.
Le Débat sur la Chefferie : Le rôle des chefs traditionnels dans une démocratie moderne est un sujet de débat constant. Comment concilier l'autorité sacrée d'un chef tribal avec l'égalité de tous les citoyens devant la loi ?
L'idéal d'une "nation ghanéenne" unie, où chaque citoyen a la même valeur, est en conflit permanent avec cette ancienne fracture spirituelle qui affirmait la supériorité d'une ethnie sur les autres.
4. La Solution Externe et le Questionnement Final
Et c'est ici que nous devons, une fois de plus, être radicalement honnêtes. D'où vient cet idéal d'une nation ghanéenne unie et égalitaire ? D'où vient l'idée que le Dagomba a la même valeur intrinsèque et les mêmes droits que l'Ashanti ?
Cette idée ne vient pas de la vision du monde centrée sur le Tabouret d'Or.
Elle est un emprunt à la vision du monde judéo-chrétienne. C'est la Bible qui a introduit sur cette terre une idée absolument révolutionnaire : celle d'une humanité universelle, où chaque personne, de chaque tribu et de chaque langue, est créée à l'Image de Dieu (Genèse 1:27). C'est l'Évangile qui proclame qu'en Christ, "il n'y a plus... barbare, Scythe, esclave, libre" (Colossiens 3:11), effaçant les murs de l'ethnocentrisme.
Cela nous laisse avec une question cruciale. Une question pour chaque Ghanéen fier de la gloire de l'Empire Ashanti :
Si notre plus grand symbole d'unité, le Tabouret d'Or, a pu coexister avec l'asservissement et le sacrifice de nos voisins, et si aujourd'hui, pour construire une nation juste, nous sommes obligés d'emprunter le concept d'égalité universelle à la Bible... ne serait-ce pas la preuve que le Tabouret d'Or contient l'âme d'une tribu, mais que seule la Croix du Christ peut contenir l'âme d'une nation ?
Quelle est la véritable fondation de l'unité : le sang d'une ethnie ou le sang du Fils de Dieu versé pour toutes les ethnies ?
Contact
Nous répondons à vos questions sur la foi.
hello@reponseschretiennes.com
+221-77-123-4567
© 2025. All rights reserved.