Portrait de la Fracture (19/54) : Le Zimbabwe - Entre la Gloire de Pierre et le Silence du Dieu Lointain
Le Zimbabwe porte l’héritage majestueux de Grand Zimbabwe, cité monumentale bâtie par les Shona, symbole d’une puissance politique et religieuse unique. Leur trésor fut la conviction qu’un roi, médiateur entre les ancêtres royaux (mhondoro) et Dieu (Mwari), incarnait le lien vital entre ciel et terre. Mais cette fusion entre pouvoir spirituel et politique portait une fracture : un Dieu lointain et silencieux, accessible seulement par l’élite, et un roi dont l’autorité quasi absolue ne connaissait pas de contre-pouvoir.
ANIMISMEPORTRAITS DE LA FRACTURE
Vérité Le Noir
8/19/20255 min read


Introduction : L'Héritage sous l'Arbre à Palabres
Aujourd'hui, notre voyage nous mène au cœur de l'Afrique australe, sur le plateau qui porte son nom, en terre zimbabwéenne. Lorsque l'on pense au Zimbabwe, l'image qui vient à l'esprit est celle, majestueuse, des ruines de Grand Zimbabwe, la plus grande structure ancienne au sud du Sahara. C'est le témoignage silencieux d'une civilisation africaine sophistiquée et puissante. Asseyons-nous à l'ombre de ces murs de pierre pour écouter la sagesse des anciens Shona qui les ont érigés. Notre quête reste la même : cette vision du monde, qui a produit une telle grandeur, nous offre-t-elle une fondation assez solide pour construire une société juste et stable aujourd'hui ?
1. Le Trésor : La Connexion Céleste et la Puissance des Ancêtres Royaux
La civilisation qui a construit Grand Zimbabwe (entre le XIe et le XVe siècle) était fondée sur une vision du monde Shona complexe. Au sommet de leur panthéon se trouve Mwari, le Dieu créateur, associé au ciel, à la pluie et à la fertilité de la terre. Grand Zimbabwe n'était pas seulement une capitale politique ; c'était un centre religieux majeur, le lieu de la médiation entre le monde des hommes et le monde divin.
Le trésor de cette spiritualité est la croyance en une connexion directe entre la légitimité du roi et sa capacité à intercéder auprès des esprits royaux ancestraux (mhondoro) pour communiquer avec Mwari. Le roi n'était pas un simple dirigeant ; il était le grand prêtre de la nation. Les célèbres oiseaux de stéatite (le "Zimbabwe Bird", aujourd'hui emblème national) trouvés sur le site étaient probablement des symboles de ces esprits ancestraux agissant comme des messagers entre le roi et Dieu. C'est une vision du monde qui a permis de mobiliser des milliers de personnes pour construire une cité monumentale et de contrôler un vaste réseau commercial qui s'étendait jusqu'à la côte de l'Océan Indien, important des perles de verre de l'Inde et de la porcelaine de Chine.
(Source 1 : L'archéologue Peter Garlake, dans son ouvrage Great Zimbabwe, a été l'un des premiers à argumenter de manière convaincante que le site n'était pas l'œuvre d'étrangers, mais bien une création indigène du peuple Shona, avec une fonction religieuse centrale.)
2. La Fracture : Le Point de Rupture Moral
Cependant, cette vision du monde, qui liait si étroitement le pouvoir politique au pouvoir spirituel, portait en elle une fracture dangereuse : l'absence de contre-pouvoir et le silence du Dieu lointain.
Dans le système Shona, Mwari est un Dieu puissant mais distant (Deus Otiosus). On ne s'adresse pas directement à lui, mais à travers une longue chaîne de médiateurs : les esprits familiaux, puis les esprits du clan, puis les esprits royaux (mhondoro), qui sont les seuls à pouvoir vraiment "parler" à Mwari. Le roi, en tant que descendant direct de ces esprits royaux, devient le canal quasi exclusif de la communication divine.
Et c'est ici que se trouve la fracture. Que se passe-t-il si le roi devient corrompu ou tyrannique ? Le système n'offre que peu de recours. Contester le roi, c'est contester l'ordre spirituel tout entier. Il n'existe pas de "loi de Mwari" écrite et accessible à tous, qui pourrait servir de standard pour juger les actions du roi. La volonté de Dieu est interprétée et médiatisée par le roi et ses prêtres, ce qui ouvre la porte à la manipulation politique et à l'arbitraire.
(Source 2 : L'historien David N. Beach, dans The Shona and their Neighbours, a étudié en détail l'histoire politique de la région, montrant comment le pouvoir des dynasties était souvent absolu et comment les successions pouvaient être extrêmement violentes.)
De plus, la chute mystérieuse de Grand Zimbabwe vers 1450 est souvent attribuée par les archéologues à des causes écologiques (épuisement des sols, déforestation) et à des changements dans les routes commerciales. La spiritualité, si puissante pour construire la cité, s'est révélée incapable de la sauver lorsque les fondements matériels de sa puissance se sont effondrés. Elle n'offrait pas de réponse à une crise systémique.
(Source 3 : The Origins of the Shona de D.N. Beach explore les différentes théories sur l'abandon de Grand Zimbabwe, soulignant la fragilité de ces grands États centralisés.)
3. La Conséquence : Les Cicatrices dans le Présent
Cette fracture historique a laissé des cicatrices profondes dans la culture politique du Zimbabwe moderne.
Le Culte du Chef "Sacré" : La tendance à voir le leader politique non pas comme un serviteur du peuple, mais comme une figure quasi-royale, un "père de la nation" dont l'autorité est absolue et ne peut être contestée, est un héritage direct de cette vision du monde.
La Faiblesse des Institutions : La concentration du pouvoir spirituel et politique dans les mains d'un seul homme (le roi) dans le passé a contribué à une culture où les institutions démocratiques (parlement, justice) peinent à s'établir comme de véritables contre-pouvoirs face à un exécutif fort.
L'Instrumentalisation de la Spiritualité : Les leaders politiques n'hésitent pas à utiliser les médiums des esprits (svikiro) et les références aux ancêtres pour légitimer leur pouvoir et mobiliser la population, perpétuant ainsi la confusion entre le politique et le religieux.
4. La Solution Externe et le Questionnement Final
Et c'est ici que nous devons poser la question honnête. Lorsque les Zimbabwéens aspirent aujourd'hui à la démocratie, à un État de droit où même le plus grand des chefs est soumis à la même loi que le plus humble des citoyens, d'où vient cet idéal ?
Il ne vient pas de la tradition de Grand Zimbabwe, où le roi était le seul pont vers Dieu.
Il est un emprunt à la vision du monde judéo-chrétienne. C'est la Bible qui a introduit trois idées révolutionnaires :
Une Loi Écrite, donnée par Dieu et accessible à tous, qui se dresse au-dessus du roi. (Le roi d'Israël lui-même devait en avoir une copie et la lire tous les jours - Deutéronome 17:18-19).
Des Prophètes, des hommes du peuple, qui avaient le droit, au nom de Dieu, de confronter et de juger les rois les plus puissants (pensez à Nathan face au roi David).
Un Accès Direct à Dieu pour chaque individu, sans la médiation obligatoire des ancêtres ou des rois, par la prière en Jésus-Christ.
Cela nous laisse avec une question cruciale. Une question pour chaque Zimbabwéen fier de la grandeur de sa civilisation :
Si la gloire de Grand Zimbabwe reposait sur un système où un seul homme était le pont vers Dieu, rendant la tyrannie possible, et si aujourd'hui, pour construire une société juste, nous devons nous tourner vers l'idéal biblique d'une loi qui est au-dessus du chef et d'un accès direct à Dieu pour tous... ne serait-ce pas la preuve que nos murs de pierre, aussi solides soient-ils, ne peuvent protéger un peuple dont les fondations spirituelles sont fragiles ?
Qui est le véritable Roi : celui qui parle au nom des ancêtres, ou Celui qui est l'Ancêtre de tous les rois et qui nous a donné une Loi d'amour ?
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