Quête Identitaire et Spiritualités Ancestrales

Découvrez comment la quête identitaire et la renaissance africaine s'entrelacent avec le retour aux spiritualités ancestrales. Cet article examine l'efficacité historique de ces traditions face aux drames du passé, y compris la traite négrière.

KÉMETISMEANIMISME

Vérité Le Noir

8/14/20254 min read

Introduction : La Promesse d'un Nouveau Départ

Un vent puissant souffle sur l'Afrique et sa diaspora. C'est le vent de la "renaissance", un désir légitime et profond de se reconnecter à une identité précoloniale, de rejeter les récits imposés et de reconstruire une fierté basée sur nos propres traditions. Ce mouvement, souvent porté par des courants panafricanistes et kémites, nous invite à abandonner les "religions étrangères" pour revenir aux spiritualités de nos ancêtres, présentées comme la source d'une future grandeur.

Cette promesse est séduisante. Mais l'histoire nous a appris une leçon cruelle : les mêmes causes produisent les mêmes effets. Avant d'embrasser sans réserve ce "retour aux sources", nous avons le devoir intellectuel et moral de nous poser une question dérangeante : si les structures spirituelles et sociales de l'Afrique précoloniale n'ont pas pu empêcher la plus grande tragédie de notre histoire, la traite négrière, qu'est-ce qui nous garantit qu'une simple "réactivation" de ces mêmes structures ne produira pas les mêmes vulnérabilités ?

1. Le Diagnostic Historique : Comment la Tragédie a-t-elle été Possible ?

Il est temps de sortir du mythe d'une Afrique idyllique brutalement envahie. La réalité, documentée par des historiens africains comme Elikia M'Bokolo ou John Thornton, est que la machine esclavagiste européenne a pu prospérer en exploitant des failles structurelles qui existaient déjà sur le continent. Ces failles n'étaient pas raciales ou culturelles, elles étaient directement issues de la vision du monde animiste et ancestrale.

  • La Fragmentation Spirituelle : Le culte des ancêtres et des esprits territoriaux a sacralisé la division. L'allégeance spirituelle allait au clan, à l'ethnie, pas à une fraternité africaine. Il n'y avait pas de "nous" africain, seulement une multitude de "nous" claniques.

  • La Conséquence Politique : Cette fragmentation spirituelle a engendré une fragmentation politique. L'absence d'une identité commune a rendu la stratégie du "diviser pour régner" tragiquement efficace. Les royaumes se sont fait la guerre, se fournissant mutuellement des captifs.

  • La Morale Tribale : La morale était limitée au groupe. Vendre un "étranger", un prisonnier d'une autre ethnie, n'était pas considéré comme une trahison de la "race", car le concept n'existait pas.

Le système esclavagiste n'a pas créé ces divisions ; il les a exploitées, industrialisées et amplifiées à une échelle monstrueuse. La spiritualité traditionnelle n'a pas été la cause de la traite, mais elle a été structurellement incapable de produire l'unité nécessaire pour y résister.

2. L'Avertissement : Les Mêmes Structures, les Mêmes Résultats ?

Aujourd'hui, le mouvement de "renaissance" nous propose de revenir à ces mêmes fondements spirituels. Mais si nous reconstruisons notre maison sur les mêmes fondations fissurées, pouvons-nous nous attendre à ce qu'elle soit plus solide ?

  • Le Retour au Tribalisme : Un retour massif au culte des ancêtres Yoruba, Fon, Bamiléké ou Kongo ne créera pas une unité panafricaine. Il resacralisera les identités ethniques. Il nous rappellera que nos ancêtres étaient différents et souvent ennemis, pas que nous sommes des frères.

  • L'Émergence de Nouvelles Élites Sacerdotales : Les spiritualités traditionnelles ne sont pas égalitaires. Elles reposent sur des initiés, des prêtres, des "gardiens du savoir" qui détiennent le pouvoir spirituel. Un retour à ces systèmes ne risque-t-il pas de créer de nouvelles castes de "gourous" et de leaders spirituels qui exigeront une obéissance aveugle, reproduisant les schémas de pouvoir que nous cherchons à fuir ?

  • L'Impuissance face aux Menaces Modernes : Les menaces qui pèsent sur l'Afrique aujourd'hui (néo-colonialisme économique, fragmentation politique, corruption) sont des problèmes globaux et systémiques. Une spiritualité purement locale et fragmentée est-elle l'outil adéquat pour y faire face ? Ou est-ce que, comme par le passé, elle nous laissera divisés et vulnérables ?

3. La Question Finale : À Qui Profite Réellement cette "Renaissance" ?

C'est la question que nous devons oser poser.

Si un retour à une spiritualité qui a historiquement favorisé la division et échoué à protéger le continent est présenté comme la solution, à qui cela profite-t-il réellement ?

Est-ce que cela profite à la masse du peuple africain, en lui offrant les outils pour l'unité, la justice et le développement ? Ou est-ce que cela profite à une nouvelle élite intellectuelle et identitaire qui cherche à asseoir son pouvoir en créant un nouvel ennemi (les "religions étrangères") et en vendant un passé mythifié comme unique solution ?

Ne sommes-nous pas en train de nous laisser séduire par une nostalgie dangereuse, un piège identitaire qui, sous prétexte de nous libérer, nous enferme dans les mêmes schémas de pensée qui ont causé notre perte ?

La véritable renaissance africaine ne viendra pas d'un retour à ce qui nous a divisés. Elle viendra de l'adoption courageuse d'une vision du monde qui offre ce que nos traditions n'ont jamais pu fournir : un fondement pour l'unité universelle de tous les peuples, une morale qui transcende la tribu, et un Sauveur qui peut guérir les blessures que nos ancêtres ont à la fois subies et infligées. La question n'est pas de savoir si nous devons être Africains ou Chrétiens, mais de comprendre que c'est en embrassant le Christ universel que nous accomplirons la plus haute destinée de notre héritage africain.