Le Mythe de l'Innocence : Pourquoi Nier notre Rôle dans la Traite est le Pire des Racismes
Peut-on dénoncer la traite négrière sans tomber dans l'auto-victimisation ? Ce texte percutant déconstruit le récit simpliste d’une Afrique entièrement innocente et passive. À travers une analyse historique rigoureuse et une réflexion théologique profonde, il expose la responsabilité – trop souvent niée – de certains royaumes africains dans l’essor du commerce triangulaire.
HISTOIRE ET CHRISTIANISMERÉFUTATIONS
Moïse Takougang
8/4/20254 min read
Introduction : Une Vérité qui Dérange
Dans le débat sur la traite négrière transatlantique, une idée s'est imposée comme un dogme : l'Afrique aurait été une victime passive, un continent innocent pillé par des prédateurs européens. Cette vision, bien que née d'une intention louable de dénoncer les crimes du colonialisme, est devenue un piège. C'est un mythe réconfortant qui, sous ses airs de fierté, cache une affirmation profondément insultante.
Je vais défendre ici une thèse qui dérange : affirmer que les Africains n'ont eu aucune responsabilité et aucune agence dans la traite négrière est non seulement historiquement faux, mais c'est l'argument le plus paternaliste et le plus raciste qui soit. C'est nier notre pleine humanité.
1. Le Fait Historique Incontournable : L'Agence Africaine dans la Traite
Mettons de côté les mythes et regardons les faits, documentés par des historiens africains et occidentaux de premier plan, de John Thornton à Elikia M'Bokolo. La traite transatlantique, pendant près de 400 ans, n'aurait jamais pu atteindre une telle ampleur sans une participation active et structurée de royaumes et de marchands africains.
Ce n'était pas une Conquête : À l'exception de quelques comptoirs côtiers, les Européens n'ont pas conquis l'intérieur de l'Afrique avant la fin du XIXe siècle. Ils ne pouvaient pas se permettre d'envoyer des armées dans un continent qui leur était hostile et dont les maladies les décimaient.
C'était un Commerce : La traite était un commerce, aussi monstrueux soit-il. Les Européens achetaient des captifs à des vendeurs africains. Ces vendeurs – des rois, des chefs de guerre, des marchands – n'étaient pas de simples marionnettes. C'étaient des partenaires commerciaux puissants qui opéraient selon leurs propres logiques politiques et économiques.
La Logique du Pouvoir : Des empires comme le Royaume du Dahomey, l'Empire d'Oyo ou l'Empire Ashanti ont bâti leur puissance et leur richesse sur la capture et la vente de leurs voisins. Ils menaient des guerres non pas pour les Européens, mais pour leurs propres objectifs d'expansion, et la vente des prisonniers de guerre était un moyen de financer ces guerres, notamment en acquérant des armes à feu.
2. Le Racisme Inconscient du Déni
C'est ici que l'argument se retourne. Pourquoi est-il si important de reconnaître cette agence ?
Affirmer que les Africains n'ont été que des victimes passives, incapables d'agir, de faire des choix stratégiques (même des choix moralement terribles), de négocier ou de résister, c'est les dépeindre comme des enfants naïfs ou des proies impuissantes. C'est leur refuser ce qui définit l'humanité : la capacité d'agir et d'être responsable de ses actes.
C'est, paradoxalement, la même logique que celle du colonisateur :
Le colonisateur disait : "Les Africains sont des enfants, ils ne sont pas capables de se gouverner eux-mêmes."
Le discours victimaire moderne dit : "Les Africains étaient des enfants, ils n'étaient pas capables de participer consciemment à l'histoire."
Dans les deux cas, on leur retire leur agence, leur statut d'acteurs de leur propre histoire. Nier la responsabilité africaine dans la traite, c'est admettre implicitement notre infériorité. C'est dire que nous n'étions pas assez intelligents, pas assez structurés, pas assez humains pour être autre chose que de simples objets dans l'histoire des autres.
3. La Véritable Dignité : Reconnaître le Péché pour Affirmer l'Humanité
La véritable fierté ne réside pas dans la revendication d'une innocence mythique, mais dans la capacité à regarder notre histoire en face, dans toute sa complexité tragique.
Reconnaître l'agence africaine dans la traite, c'est affirmer que nos ancêtres n'étaient ni des saints, ni des démons, ni des enfants. C'étaient des hommes, avec toute la grandeur et toute la capacité au mal que cela implique. Ils ont fait des choix, parfois héroïques (comme la reine Nzinga), parfois tragiques, basés sur les réalités de leur temps et la faillite de leurs propres systèmes moraux tribaux.
C'est ici que la vision biblique offre une clé de lecture bien plus puissante et plus digne. La Bible ne dépeint aucun peuple comme "innocent". Elle présente toute l'humanité, de Caïn à nos jours, comme étant capable du meilleur et du pire. Elle reconnaît la réalité du péché non pas comme une honte spécifique à une race, mais comme la condition universelle du cœur humain.
Conclusion :
Le chemin de la véritable libération pour l'Afrique ne passe pas par le déni de notre passé, mais par sa pleine acceptation. Nous n'avons pas besoin d'un mythe d'innocence pour être dignes. Notre dignité vient du fait que nous sommes des acteurs de l'histoire, des êtres moraux capables de choix, et donc, aussi, capables de péché.
En reconnaissant la faillite de nos propres systèmes ancestraux, nous ne nous humilions pas. Nous affirmons notre pleine humanité. Et c'est seulement en posant ce diagnostic honnête que nous pouvons nous tourner vers la seule solution qui ne soit pas basée sur la fierté d'une lignée, mais sur la grâce offerte à tous les pécheurs : la rédemption en Christ.
Contact
Nous répondons à vos questions sur la foi.
hello@reponseschretiennes.com
+221-77-123-4567
© 2025. All rights reserved.