Plagiat et Kémitisme : Analyse de Ptah

Découvrez comment la genèse est comparée à la cosmogonie de Memphis et au dieu créateur Ptah, tout en révélant des contradictions profondes entre monothéisme et panthéon, transcendance et chaos. Une analyse rigoureuse du kémitisme et du plagiat.

KÉMETISMERÉFUTATIONS

Vérité Le Noir

8/6/20255 min read

Introduction : Le Procès en Plagiat

L'une des accusations les plus tenaces portées contre la Bible est que son récit de la création, en particulier dans Genèse 1, serait un simple plagiat de mythes égyptiens plus anciens. Des arguments pointent vers des similitudes apparentes : un chaos aqueux primordial, un dieu créateur, et surtout, l'idée d'une création par la pensée et la parole. La conclusion semble simple : Moïse, élevé en Égypte, aurait adapté les traditions de Kemet pour créer une version hébraïque.

Cette thèse, bien que séduisante pour une lecture superficielle, s'effondre complètement lorsqu'on la soumet à une analyse rigoureuse. Loin d'être une copie, le récit de Genèse 1 est une réfutation théologique systématique, une polémique anti-égyptienne qui utilise des thèmes connus pour en renverser complètement le sens. Cet article va démontrer, point par point, pourquoi la Genèse n'est pas un écho de l'Égypte, mais le tonnerre qui vient briser sa vision du monde.

1. Le Mythe Égyptien : Des Dieux Nés du Chaos

Pour comprendre la comparaison, il faut d'abord savoir de quoi l'on parle. Il n'existe pas UNE cosmogonie égyptienne, mais plusieurs. La plus célèbre, celle de Memphis, est souvent citée comme source.

  • Le Contexte Égyptien : La cosmogonie memphite, dont la source principale est la Pierre de Chabaka (qui prétend copier un texte de l'Ancien Empire), place le dieu Ptah au centre de la création. Ptah est le grand artisan.

  • Le Mécanisme : Il conçoit d'abord le monde dans son "cœur" (le siège de la pensée), puis il lui donne l'existence par sa "langue" (la parole). C'est de cette parole que naissent les autres dieux (l'Ennéade d'Héliopolis, avec Atoum et Râ) et toutes les choses.

  • Le Problème Fondamental : D'où vient Ptah lui-même ? Dans la plupart des traditions, il est une manifestation du Noun, l'océan primordial, aqueux, chaotique et non-créé. Le chaos précède le dieu. Le dieu est une émergence de ce chaos, une partie du système.

2. La Réfutation de la Genèse : Un Dieu au-dessus du Chaos

Maintenant, comparons cela, point par point, avec la logique de Genèse 1.

Contradiction n°1 : La Transcendance vs l'Immanence

  • En Égypte : Le dieu créateur (Ptah/Atoum/Râ) émerge DU chaos. Il fait partie de l'univers, il en est immanent.

  • Dans la Genèse : "Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre" (Genèse 1:1). Dieu précède le chaos (tohu wa-bohu). Il n'en sort pas, il le domine ("l'Esprit de Dieu planait sur les eaux"). C'est une affirmation de transcendance radicale. Le Créateur n'est pas la création.

Contradiction n°2 : Le Monothéisme vs le Polythéisme

  • En Égypte : L'acte créateur de Ptah a pour but de donner naissance aux autres dieux, qui deviennent des acteurs autonomes du cosmos. Le système est fondamentalement polythéiste.

  • Dans la Genèse : L'acte créateur de Dieu ne produit aucun autre dieu. Au contraire, les entités qui étaient des dieux majeurs pour les Égyptiens sont délibérément rétrogradées. Le Soleil et la Lune ne sont pas Râ et Thot ; ce sont de simples "luminaires" (Genèse 1:16), des objets créés au quatrième jour pour servir de calendrier. C'est une attaque directe et intentionnelle.

Contradiction n°3 : La Parole Souveraine vs la Parole Émanatrice

  • En Égypte : La parole de Ptah est une émanation de sa propre substance. Le monde est une extension de son être. C'est une vision panenthéiste ("Dieu est en tout").

  • Dans la Genèse : La parole de Dieu est un commandement souverain et extérieur. Dieu "dit", et la chose est. Il y a une distinction claire entre la Parole et la chose créée. Il ne devient pas le monde, il l'appelle à l'existence.

Contradiction n°4 : La Finalité de l'Homme

  • En Égypte : L'humanité est créée tardivement, souvent comme une pensée secondaire, dans le but explicite de servir les dieux, de les nourrir par des offrandes et de construire leurs temples. L'homme est un serviteur.

  • Dans la Genèse : L'homme est le couronnement de la création, créé au sixième jour. Il n'est pas créé pour servir les dieux, mais pour être l'Image de Dieu sur terre, son représentant, son vice-roi, à qui est confié le mandat de "dominer" sur la création (Genèse 1:28). C'est la différence entre un esclave et un prince héritier.

    3. Chronologie et origine des textes : un contexte complexe

    Il convient de souligner que la tradition biblique qui a donné naissance à la Genèse a une histoire longue et indépendante. Bien que la rédaction finale de la Genèse par Moïse (~1400 av. J.-C.) soit postérieure aux plus anciennes traditions égyptiennes, comme celle de Memphis (probablement de l'Ancien Empire), l'accusation de plagiat simpliste ne tient pas.

    La Genèse reflète en réalité un héritage culturel partagé du Proche-Orient ancien, dans lequel les auteurs ont puisé des motifs et un vocabulaire communs (le chaos aqueux, la création par la parole...).

    Cependant, la Bible utilise ce vocabulaire non pas pour copier, mais pour corriger. C'est précisément pour mieux réfuter la vision du monde païenne que les auteurs bibliques ont utilisé ces thèmes familiers. L'objectif est de démontrer, point par point, la supériorité de leur propre vision radicalement différente :

    • Face au chaos qui précède les dieux (le Noun), la Genèse affirme un Dieu souverain qui domine le chaos.

    • Face à un panthéon de divinités immanentes (Râ, Ptah), la Genèse affirme un Créateur unique et transcendant.

    • Face à un homme créé pour être l'esclave des dieux, la Genèse affirme un homme créé à l'Image de Dieu pour être son partenaire.

    La Genèse n'est donc pas un plagiat. C'est une polémique théologique, une déclaration d'indépendance spirituelle qui utilise le langage de son temps pour proclamer une vérité intemporelle."

4. Conclusion : Polémique, pas Plagiat

Les similitudes de surface (création par la parole, chaos aqueux) ne sont pas la preuve d'un plagiat. Elles sont la preuve que la Genèse a été écrite dans le même contexte culturel et qu'elle utilise un vocabulaire commun pour le réfuter radicalement.

C'est ce que les spécialistes appellent l'intertextualité polémique. L'auteur de la Genèse connaissait parfaitement les mythes égyptiens et mésopotamiens. Il a délibérément structuré son récit comme une contre-cosmogonie, une correction théologique point par point.

Il ne dit pas : "Laissez-moi vous raconter une version hébraïque de l'histoire de Ptah."
Il dit : "Vous croyez que vos dieux sont sortis du chaos ? Laissez-moi vous présenter le Dieu qui est le Maître du chaos. Vous adorez le soleil comme un dieu ? Laissez-moi vous dire que notre Dieu l'a créé comme une simple lampe. Vous croyez avoir été créés pour être des esclaves ? Laissez-moi vous révéler que vous avez été créés pour être des rois."

La Genèse n'est donc pas un écho de l'Égypte. C'est la déclaration d'indépendance théologique qui a libéré la pensée humaine du cycle des mythes païens et a posé les fondations d'une vision du monde véritablement transcendante.

Sources pour approfondir :

  • John H. Walton, Ancient Near Eastern Thought and the Old Testament.

  • Nahum M. Sarna, Understanding Genesis.

  • Kenneth A. Kitchen, On the Reliability of the Old Testament.