Contradiction Biblique n°16 – La Bible est-elle Misogyne ? Le "Silence" de la Femme et la Révolution Chrétienne

Introduction : L'Accusation de Patriarcat

Pour beaucoup de lecteurs contemporains, la Bible semble être un document irrémédiablement patriarcal, voire misogyne. Des lois de l'Ancien Testament qui semblent traiter les femmes comme une propriété, aux passages du Nouveau Testament où l'apôtre Paul demande aux femmes de "se taire dans les assemblées", le texte semble promouvoir une vision de la femme comme un être inférieur, destiné à la soumission.

Comment concilier ces passages difficiles avec l'affirmation que le Dieu de la Bible est un Dieu d'amour et de justice pour tous, hommes et femmes ? Cette apparente contradiction est-elle la preuve d'un message divin archaïque et dépassé ? Ou est-ce que, une fois replacés dans leur contexte historique, ces mêmes textes révèlent en réalité une trajectoire révolutionnaire et libératrice pour les femmes, une vision qui était à des années-lumière de la culture de son temps ?

1. Le Contexte Antique : Un Monde d'Hommes

La première erreur est de juger la Bible avec les standards du XXIe siècle sans comprendre le monde dans lequel elle a été écrite. Le monde antique (que ce soit en Grèce, à Rome, en Mésopotamie ou même en Israël) était universellement et profondément patriarcal.

• Statut Juridique : Dans la plupart des cultures, les femmes n'avaient quasiment aucun droit. Elles ne pouvaient ni posséder de terres, ni témoigner en justice, ni hériter. Elles passaient de l'autorité de leur père à celle de leur mari.

• Statut Social : Elles étaient largement confinées à la sphère domestique. Leur éducation était minimale. Leur valeur était principalement liée à leur capacité à produire des héritiers mâles.

• Statut Religieux : À de rares exceptions près (comme les prêtresses de certains cultes), les rôles de leadership spirituel leur étaient fermés.

C'est sur cette toile de fond de mépris quasi universel qu'il faut lire ce que la Bible dit des femmes.

2. La Révolution de la Genèse : L'Égalité Ontologique

Dès les premières pages, la Bible introduit une idée radicale.

• Genèse 1:27 : "Dieu créa l'homme (ha'adam) à son image, il le créa à l'image de Dieu ; il les créa mâle et femelle."

• L'Implication : L'Image de Dieu n'est pas donnée seulement à l'homme, mais à l'humanité dans sa totalité, homme ET femme. C'est une déclaration d'égalité de valeur et de dignité fondamentale qui n'a aucun équivalent dans les mythes de la création environnants, où la femme est souvent une création secondaire ou une source de malheur.

• Genèse 2:24 : La création d'Ève "du côté" d'Adam et le principe du mariage ("ils deviendront une seule chair") établissent la femme non comme une servante, mais comme une partenaire essentielle et égale.
  

3. La Révolution de Jésus : Une Inclusion Radicale

L'attitude de Jésus envers les femmes était scandaleuse pour son époque.

• Il les Enseignait comme des Disciples : Dans une culture où les rabbins n'enseignaient pas les femmes, Jésus les accueille dans son cercle intime. L'exemple de Marie de Béthanie, "assise à ses pieds... écoutant sa parole" (Luc 10:39), est la posture d'un disciple, un rôle normalement réservé aux hommes.

• Il en a Fait les Premiers Témoins : C'est le point le plus explosif. Dans une société où le témoignage d'une femme n'avait aucune valeur légale, Dieu choisit des femmes (Marie-Madeleine et les autres) pour être les premiers témoins de l'événement le plus important de l'histoire : la Résurrection. Il leur confie la mission d'aller "annoncer la nouvelle aux apôtres". C'est un acte de réhabilitation et de confiance radical.

4. Comprendre Paul : Contexte et Principe

Alors, comment comprendre les passages difficiles de Paul (comme 1 Corinthiens 14:34 "que les femmes se taisent...") ?

• Le Contexte Spécifique : Ces passages ne sont pas des lois universelles et intemporelles. Ce sont des instructions pastorales adressées à des Églises spécifiques pour résoudre des problèmes de désordre spécifiques. À Corinthe, le culte était devenu chaotique, et les femmes, qui n'avaient pas reçu l'éducation théologique des hommes, posaient peut-être des questions qui interrompaient le service. L'instruction de Paul est une mesure de gestion de l'ordre, pas une déclaration sur l'infériorité ontologique des femmes.

• Le Principe Fondamental de Paul : Le même Paul qui demande l'ordre à Corinthe est celui qui écrit la charte de la libération chrétienne en Galates 3:28 : "Il n'y a plus ni homme ni femme ; car tous vous êtes un en Jésus-Christ." C'est ce principe fondamental qui doit guider notre interprétation. Paul travaille à l'application progressive de cette vérité révolutionnaire dans des cultures qui n'y étaient pas du tout prêtes. Il nomme aussi de nombreuses femmes comme ses "collaboratrices" dans le ministère (Phœbé, Priscille, Junia...).
  

Conclusion : Une Trajectoire, pas un État Statique

La Bible n'est pas un livre "plat". C'est le récit d'une trajectoire divine de libération au sein de cultures profondément déchues.
Elle commence par affirmer une égalité fondamentale (Genèse 1), elle la démontre par l'attitude radicale de Jésus, elle la proclame comme un principe théologique (Paul), et elle la met en œuvre progressivement.

Accuser la Bible de misogynie à cause de certains passages, c'est comme accuser un médecin d'être pro-maladie parce qu'on le trouve dans un hôpital. La Bible est entrée dans un monde malade de patriarcat non pas pour le valider, mais pour y implanter le germe de l'égalité radicale en Christ, une graine qui a mis des siècles à pousser, mais qui a finalement produit les révolutions de dignité que nous connaissons aujourd'hui.